Les choses vont comme elles vont
De temps en temps la terre tremble
Louis Aragon
Mélancolie. Pour la sonorité du coquelicot. Pour l’étoile de mer sur le rebord de la fenêtre. Pour le cri du coq à l’aube. Pour le sillage de l’avion dans le ciel de juillet.
Pour la valse de Chopin aérant la salle de musique. Et le sachet de camphre sous la chemise de laine. Pour l’alexandrin dans la chambre de cèdre. Pour l’averse de cinq heures et le chant grégorien. Pour le col de dentelle et pour la face-à-main d’ivoire. Pour l’abat-jour de soie, pour l’odeur des framboises et pour le pain levant dans l’escalier. Pour l’ennui des dimanches et pour la balançoire. Pour Le Dormeur du val. Pour le lilas, pour la lampe de chevet. Pour la rivière Rouge de mon village aux poissons transparents. Pour le joueur de guitare sur la place publique. Pour l’érable de Pâques et le cornet d’écorce. Pour la sieste et le lézard.
Les choses sont sonores dans la voix de poème.
Nos ombres se consument au fur et à mesure de l’avancée de nos pas. Nous refusons les fausses routes. Les pays incertains.
Nous ne reviendrons plus vers les écureuils fabuleux pendus aux branches des noisetiers. Le jour tremble. Volière. L’heure s’est assoupie. Nous sommes à l’abri des coups de midi noir.
Sommes de veille. Toutes voiles dehors.
Un poème de la sensation qui joue avec les sens, le temps, l’espace, et la musique dans une approche sonore de « la voix du poème ».
1. Quelle est la première émotion qui vous vient en tête à la lecture du poème ? Pourquoi ?
2. La forme de ce poème se rapproche du fragment poétique et évoque, à plusieurs égards, une partition musicale. Quels sont les éléments syntaxiques, rythmiques et de ponctuation qui permettent d’en venir à cette déduction ?
3. Comment nomme-t-on la figure d’insistance qui consiste à répéter un mot, un groupe de mots ou une expression en début de vers/phrases ? Ce procédé est-il à l’œuvre dans ce poème, et si oui, que cherche-t-il à démontrer comme image ou émotion, et quel mot/groupe de mots/expression est réitéré ?
4. Une volonté de quitter la mélancolie, la nostalgie, s’installe progressivement dans le poème. Quel champ lexical, temps de verbe ou autre procédé formel témoigne de cette volonté et à quel moment du texte celle-ci s’exprime-t-elle ?
5. Sculptez votre compréhension du rythme en lisant le poème à voix haute une première fois de manière lente, puis une deuxième fois de manière saccadée. Quel débit de lecture vous semble le plus adéquat ? Commentez votre choix.
Activité d’écriture
Exercice d’écriture de la sensation et du souvenir : dressez une liste d’objets, de lieux et de pièces musicales qui vous ont profondément marqué·e. À partir de cette liste, essayer d’écrire quelques fragments dans lesquels ces éléments seraient évoqués de manière à faire ressentir au lecteur/à la lectrice toute la charge émotive qui vous habite quand vous songez à ces objets de souvenirs. Gardez en tête le rythme qui doit participer de près à cet exercice d’écriture.
Liens utiles
« La petite mariée de Chagall » de Paul Chanel Malenfant lu par Gilles-Claude Thériault :
Entretien de Paul Chanel Malenfant au 30e Festival de poésie de Trois-Rivières :
Paul Chanel Malenfant, « Mélancolie », Traces de l’éphémère, Le Noroît, Montréal, 2011.